Le gentleman anglais
L’interminable Red Ensign, pavillon civil du Royaume-Uni, fait miroiter son rouge écarlate sur une eau parfaitement plate. Dans son coin supérieur, les croix des saints Georges, André et Patrick pendouillent, indolentes sous un soleil déjà haut. Tout semble inerte alors que 8 heures n’ont pas encore sonné au clocher de Saint-Martin-de-Ré.
Quand les puissants moteurs de l’énorme vedette immatriculée à Arcachon se mettent en branle, on se dit que ça va forcément mal se passer pour le bateau anglais qui borde le passage vers la sortie d’un port plein à craquer. Comme par magie, son skipper so british est déjà sur le pont, short beige et polo marine. Un vrai sujet de Sa Majesté. Quatre-vingt printemps bien sonnés, on lui en donnerait facilement vingt ou trente de moins, la voile conserve !
A sa place, n’importe qui serait pétrifié, ne sachant comment parer un abordage qui semble quasi inévitable. Sourire en coin, il ressemble comme deux gouttes d’eau à ce jardinier qui regarde pousser ses fleurs avec bienveillance dans la BD Astérix chez les Bretons.
Le bloc de deux étages se rapproche dangereusement de son franc-bord, jusqu’à presque le toucher. Encore quelques centimètres et c’est la catastrophe. L’Anglais ne bronche pas, confiant que tout va bien se passer.
Comme le monstre à moteur le frôle puis le dépasse sans dégât en l’enfumant d’un nuage noir encre nauséabond, l’Anglais salue le capitaine français d’un léger signe de la main, le même que celui de ces petites figurines en plastique de la reine Elizabeth qui se mettent en branle au moindre rai de lumière.
Respect et admiration pour les marins anglais !
Port de Saint-Martin-de-Ré, juillet 2023.