Étape 26: de Port-Blanc à Larmor-Baden

Avec la chaleur, une forme de décontraction s’est installée chez les hommes comme chez les animaux. En attestent les cris joyeux des enfants qui s’ébattent sur la plage sous l’œil patient de leurs parents. J’ai l’impression de replonger dans mon élément, me remettre à nager dans une eau qui a pris quelques degrés. La nature ne se recroqueville plus pour se prémunir du froid, alors que j’ai revêtu un tee-shirt à manches courtes pour la première fois depuis mon départ. Ce n’est rien, et à la fois beaucoup…

Les échassiers s’en sont allés ailleurs pour nicher, les oies aussi. Leur lenteur gracieuse, pas cadencés et pêche précautionneuse, commencent déjà à me manquer.

Les fleurs se fondent désormais dans le vert tendre. Ici, elles s’étalent sans complexe en larges tapis. Là, elles penchent leur collerette et prennent le soleil. Miracle hier, elles sont devenues légion et curieusement rendues presque invisibles par leur nombre. Les pâquerettes, si petites en bordure du chemin, s’agglutinent en grosses grappes.

Au large, sous le soleil, les travailleurs de la mer moissonnent les coquillages, fruit du si dur labeur de l’hiver. Harmonieuse, la voix de basse du moteur des barques d’ostréiculteurs vient s’entremêler au chant des oiseaux qui a bien changé. De timide, il s’est affirmé, diversifié en de nouvelles lignes mélodiques, avec peut-être ici et là l’arrogance du nombre. Ça gazouille, ça piaille, ça roucoule dans la ramée et dans les fourrés. Les oiseaux ne se cachent presque plus, trouvant à coup sûr un abri dans les feuillages où se faufiler, traversant le sentier de part en part sans trop vraiment se soucier. Les papillons au vol silencieux tourbillonnent follement. Auraient ils donc peur de n’être pas remarqué ?

De petits catamarans ont revêtus leurs habits, voiles aux couleurs criardes. Ils se tiennent sagement en bord de plage. Les optimistes, frêles coques de noix destinées à l’apprentissage des enfants, sont amarrés dans le courant à la queue leu leu, prêts à accueillir de nouvelles générations de matelots. Ces moussaillons vivront bientôt leurs premiers frissons au gouvernail d’un voilier en toute liberté. Et je me souviens… Comme je les ai aimés, enfant, mes premiers pas sur l’eau !

Les aiguilles de pins produisent un parfum de résine très subtile aussitôt balayé par la brise, caresse légère comme de la plume. Plus loin, les clapotis de la mer si proche se mêlent au bruit des gravillons qui crissent sous mes pas.

Corps blancs dénudés : les femmes allongées sur le sable ont la ferme intention de se dorer. Espérons que leur maris, leurs amants, ne les retrouveront pas ce soir brûlées et goûteront ce hâle si patiemment satiné.

Un pêcheur veille sur sa ligne, mollement. Et moi, je me demande d’où me vient cet incroyable sentiment de tranquillité.

 

Larmor-Baden, le 14/04/2022. Distance de l’étape: 9,4 km.

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