Étape 9: de Pen-Bé à Pénestin
On ne marche bien qu’avec ses yeux, pour admirer la beauté cachée dans les arbres, la mer et ses rouleaux. La couleur ébouriffée du printemps. Avec ses oreilles, pour le chant du rouge-gorge, si menu perché sur sa branche, à s’époumoner, inoubliable et mélodieux. A écouter le vent, tantôt bruissement ou bien tourment féroce des pins de bord de mer jusqu’à les coucher bas, le front penché à terre.
On ne marche bien qu’avec sa peau, à ressentir la chaleur des vêtements enveloppant le corps en mouvement, à se faire mordre par le froid, l’humidité, ou les blessures. Le nez aussi, pour l’iode, la friture à l’heure de midi, la fraîcheur mouillée de l’aube, et puis les odeurs de ferme aux fumets puissants. Avec son estomac, souvent, pour la faim, l’unique banane que ce couple d’anglais m’avait partagée. Le palais, pour la soif et pour l’eau.
On ne marche bien qu’avec le courage, celui de continuer, dos qui cisaille, ou de repartir, muscles engourdis, pieds meurtris. Qu’avec l’espoir, celui d’arriver, de traverser le temps et l’espace, horizon toujours repoussé.
On marche bien avec son cœur. A saluer avec chaleur chaque personne qu’on croise sur le chemin, lui faire comprendre qu’on l’aime très sincèrement le temps d’un « bonjour », concentré d’humanité. On marche, et on marche encore, avec son âme, pour l’émerveillement devant la nature, pour la communion avec ceux qui nous accompagnent, ou bien qui restent si présents dans nos pensées. A méditer sur l’instant présent, la vie, la solitude, l’amour, la mort.
On ne marche pas avec ses pieds.
Pénestin, le 09/03/2022. Distance de l’étape: 20,4 km.