Le sommeil du Husky
Des jours, des semaines que les tempêtes d’hiver tambourinent inlassablement à nos portes. L’été indien a disparu depuis longtemps dans le rétroviseur, pour un quotidien traversé avec obstination par les bourrasques et les trombes de pluies.
A cinq heures du matin, on peut encore percer le noir en ouvrant la porte du cockpit dans un demi éveil. Debout sous la capote, on ne craint rien des vents d’ouest tonitruants qui défient le cap de Carteret. L’air est presque tuméfié, engourdi par l’humidité qui infiltre les poumons grand ouverts. Tout autour, les limbes d’un épais brouillard flottent au-dessus de l’eau, comme en lévitation. Une ambiance qui n’aurait pas déplu à Barbey d’Aurevilly, l’enfant et conteur du pays.
Saudade II repose dans la quasi obscurité, paisible, comme indifférent. Enseveli sous la pluie, le bateau dodeline au ras du ponton avec une sérénité rassurante. Il dort comme le ferait un chien de traîneau husky sous des tourbillons de neige, attendant sagement de repartir à la voix de son maître.
De cette tranquillité paradoxale, on tirera le dernier sommeil en se recouchant pour aller jusqu’au bout de la nuit. Et quand on se réveillera vraiment, ce sera du côté des vivants.
Port de Carteret, janvier 2024.